Les grandes fortunes ne recherchent plus seulement un gestionnaire d’actifs, mais un véritable architecte patrimonial capable d’anticiper leurs besoins et d’orchestrer des solutions sur mesure. Entre complexité réglementaire, montée en puissance des family offices et essor des private markets, les banques privées doivent repenser leur proposition de valeur. Comment conjuguer expertise, innovation et proximité pour répondre aux nouvelles attentes des clients ? Stéphane Pardini, Head of Wealth Management chez Quintet Luxembourg, nous éclaire sur les transformations en cours et les stratégies à privilégier.
Vous avez dirigé des équipes dans plusieurs banques privées et observé l’évolution des attentes des grandes fortunes. Quel est, selon vous, le plus grand défi pour un banquier privé aujourd’hui par rapport à il y a 10 ou 20 ans ?
L’univers de la banque privée a connu une mutation radicale ces dernières décennies. Selon Stéphane Pardini, « le métier de banquier privé d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’il y a vingt ans » . Trois éléments clés ont profondément redéfini le secteur :
- la réglementation
- la digitalisation
- et l’évolution des attentes des clients
Le renforcement des exigences réglementaires impose une charge administrative croissante aux banques privées, les obligeant à repenser leurs processus et à investir massivement dans la technologie. « Le temps consacré aux tâches réglementaires a explosé. Les banques doivent innover pour maintenir leur efficacité commerciale » souligne Stéphane Pardini. Ce poids réglementaire a profondément modifié les modèles opérationnels des banques, les poussant à automatiser de nombreuses procédures tout en garantissant une conformité stricte aux normes en vigueur. Elles doivent former en permanence leurs banquiers privés afin qu’ils soient toujours performants sur ces obligations règlementaires.
Parallèlement, la digitalisation a bouleversé la relation client. L’accès instantané à l’information et la sophistication des investisseurs imposent aux banquiers privés d’offrir une valeur ajoutée encore plus grande. « Nous ne pouvons plus être de simples intermédiaires en investissement, nous devons proposer un conseil global et sur mesure » précise-t-il. Désormais, les clients exigent une interaction fluide et transparente, accessible via des canaux digitaux performants. Le banquier privé s’appuie désormais sur une équipe d’experts en wealth planning, actifs côtés, private equity, immobilier, ESG et en philanthropie afin d’offrir une stratégie patrimoniale et financière à 360 degrés.
Face à l’essor des family offices et des private markets, comment une banque privée comme Quintet peut-elle rester au centre de l’écosystème patrimonial des grandes fortunes ?
Les family offices sont devenus des acteurs incontournables de la gestion de fortune. « Ce n’est pas une mode passagère mais une tendance de fond » affirme Stéphane Pardini. Cette évolution résulte de la volonté des grandes fortunes de diversifier leurs allocations et de mieux contrôler leurs investissements, en évitant les solutions standardisées. Cette montée en puissance est particulièrement visible dans plusieurs places financières dont le Luxembourg, où les family offices ont structuré leurs activités autour de grandes familles internationales.
Deux types de family offices se distinguent : les sociétés de gestion qui recherchent des services de banque dépositaire et les family offices qui privilégient des partenaires financiers sur mesure.
Pour rester au cœur de cet écosystème, les banques privées doivent innover en proposant des solutions différenciantes. Quintet se positionne par une offre extrêmement compétitive en banque dépositaire mais aussi en wealth management où l’offre est renforcée par un partenariat stratégique avec BlackRock permettant d’offrir une gestion internationale sur mesure.
« Nous devons aller au-delà d’une gestion standardisée en offrant aux family offices un accès privilégié aux meilleurs produits et services financiers » explique-t-il. Cette approche se traduit par une collaboration plus étroite entre les banques et ces structures patrimoniales, renforçant la personnalisation des solutions d'investissement.
L’essor des private markets est une autre tendance structurante. Dans un contexte de volatilité des marchés côtés, ces investissements offrent une diversification précieuse. « Les grandes fortunes recherchent des actifs décorrélés et nous devons être capables de leur proposer des opportunités sur mesure » souligne Monsieur Pardini. Le private equity, l’immobilier et les dettes privées infrastructures offrent des rendements très intéressants et moins sensibles aux fluctuations boursières. Ainsi, la banque privée moderne doit voir ces évolutions comme des opportunités pour enrichir son offre, en capitalisant sur des partenariats stratégiques avec des spécialistes de ces classes d'actifs.
Entre transparence réglementaire et ingénierie patrimoniale sophistiquée, où se situe la limite entre optimisation et complexité excessive ?
Depuis un certain nombre d’années, l’ingénierie patrimoniale est encadrée par des règlementations précises, telles que CRS, FATCA ou DAC 6.
Les banques privées jouent un rôle central dans cette évolution. « Nous sommes la première ligne de défense contre les montages abusifs ».
La limite est donc claire : la sophistication ne doit jamais compromettre la fiabilité et la conformité des solutions proposées. Cette transformation a renforcé la nécessité d’un accompagnement personnalisé, les clients veulent s’assurer que leurs structures patrimoniales restent pérennes et adaptées aux évolutions réglementaires internationales.
Dans ce contexte, l’éducation des nouvelles générations devient un enjeu clé. Héritiers de grandes fortunes, ils doivent être formés aux fondamentaux de la gestion patrimoniale et aux exigences réglementaires. « Former la NextGen fait partie intégrante de notre mission. Ils doivent comprendre comment fonctionne leur patrimoine et intégrer les enjeux d’investissements responsables » explique Stéphane Pardini. Cette approche éducative permet aux banques d’établir une relation de confiance sur le long terme, tout en anticipant les évolutions des besoins patrimoniaux des générations futures.
Face à ces mutations, les banques privées doivent évoluer en permanence pour rester pertinentes. Et Stéphane Pardini d’ajouter : « Nous devons être des architectes du patrimoine, offrant des solutions sur mesure et anticipant les besoins de nos clients. » La convergence entre technologie, expertise et accompagnement sur-mesure dessine ainsi le futur du secteur. De nouveaux défis émergent, notamment autour de l’impact investing et de l’ESG, domaines devenus les enjeux centraux pour la nouvelle génération d’investisseurs. « L’investissement responsable n’est plus une option, c’est une exigence. Aujourd’hui, la performance financière doit s’accompagner d’un impact positif, que ce soit au niveau environnemental ou sociétal » observe Monsieur Pardini.
Le rôle du banquier privé ne se limite donc plus à la gestion d’actifs, il devient un conseiller global, un stratège capable d’accompagner ses clients dans une vision patrimoniale holistique. Une chose est sûre : la banque privée de demain ne ressemblera en rien à celle d’hier.