Et si la prochaine génération de performance ne venait plus de la croissance, mais des limites ?
Alors que les ressources se raréfient, que les chaînes de valeur se fragilisent et que la réglementation redéfinit les règles du jeu, l’investissement patrimonial entre dans une nouvelle ère.
Chez Chloé in the Sky, cette transformation appelle une réponse claire : repenser l’allocation autour des actifs essentiels, intégrer les contraintes comme moteurs de résilience, et sortir des approches purement normatives. Dans cet article, Éric Blain, Président fondateur de Chloé in the Sky, partage la méthode de son équipe, ses filtres carbone, et sa vision d’un conseil financier ancré dans le réel — exigeant, stratégique, et prêt pour les transitions à venir.
Votre lecture du monde post-2025 repose sur une conviction forte : certains secteurs économiques deviendront critiques, car ils assurent les fonctions vitales de l’économie dans un contexte de raréfaction. En quoi cette approche "par contraintes" transforme-t-elle les grilles d’allocation aujourd’hui utilisées par les family offices ?
L’approche par contraintes invite à revenir aux fondamentaux et au bon sens. Ce bon sens repose sur des limites physiques qui, demain, s’imposeront de manière croissante aux entreprises, car les ressources naturelles ne sont pas infinies. Nous cherchons à avoir une projection pragmatique de l’environnement dans lequel les entreprises évolueront, en intégrant les opportunités et menaces issues des tensions géopolitiques et des polycrises dont nous observons déjà les prémices. Les entreprises de demain devront composer avec ces réalités. Celles qui sauront intégrer ces contraintes seront les plus fortes, les plus résilientes, celles que nous qualifions d’« anti-fragiles ».
Appliquer ces contraintes dès aujourd’hui offre un avantage temporel, car cette adaptation se joue sur le temps long. Souvent, cela suppose d’immobiliser des fonds pour la R&D, pour innover, se différencier. Cet effort tactique portera ses fruits à l’avenir.
Définir une stratégie de long terme permet également de piloter les allocations avec cohérence dans un monde en mutation. Les approches court-termistes, elles, risquent de devenir de plus en plus fragiles.
Certes, la tendance est aux fonds indiciels. Beaucoup répliquent des indices comme le MSCI World ou le Stoxx 600. Mais ces indices reflètent mal l’économie réelle : des secteurs essentiels, comme les industries lourdes, y sont largement sous-représentés.
Notre vision est plus ancrée : nous pensons que l’industrie est indispensable pour réussir les transitions futures. L’approche par contraintes permet donc aux gestionnaires de fortunes d’élaborer des stratégies d’anticipation financière à forte valeur ajoutée pour leurs clients.
Vous intégrez des entreprises fortement émettrices dès lors que leur trajectoire de décarbonation est crédible. Quels critères définissent cette "utilité carbone" et comment la rendez-vous lisible pour les investisseurs ?
Les industries essentielles, comme la métallurgie ou la chimie, sont parmi les plus émettrices de gaz à effet de serre. Chez Chloé in the Sky, cette notion d’essentialité est au cœur de notre méthodologie.
Notre deuxième filtre consiste à identifier, parmi ces acteurs essentiels, ceux capables de composer avec une frugalité inévitable. À nos yeux, ce sont ces entreprises qui tireront leur épingle du jeu demain. Les sélectionner est une manière financièrement pragmatique d’anticiper une contraction probable de l’économie.
Leur point commun ? Elles sont de bonnes gestionnaires du carbone. Réduire leur pression sur les ressources naturelles (métaux, biomasse, sable, eau, hydrocarbures…) revient à réduire leurs émissions.
Nous analysons leur performance carbone selon les quatre scopes :
-
Scope 1 : émissions directes de l’entreprise,
-
Scope 2 : émissions indirectes liées à l’énergie consommée,
-
Scope 3 : émissions indirectes sur l’ensemble de la chaîne de valeur (fournisseurs, clients, fin de vie),
-
Scope 4 (moins connu mais fondamental) : émissions évitées, c’est-à-dire la contribution positive d’une entreprise à la réduction des émissions de ses clients ou utilisateurs.
Maîtriser les enjeux du carbone implique de comprendre et mesurer l’ensemble de ces quatre scopes. C’est ce que nous faisons systématiquement chez Chloé in the Sky.
Nous communiquons de manière transparente sur les émissions de chaque entreprise en portefeuille. Transparence et pédagogie sont des piliers essentiels pour bâtir la confiance avec nos partenaires CGP, family offices… et leurs clients.
Comment accompagnez-vous les family offices qui souhaitent dépasser une approche ESG normative pour construire des allocations plus résilientes et alignées avec les attentes des nouvelles générations ?
L'approche normative est pertinente quand elle repose sur une vision concrète de l'économie. Construire des normes sur des dogmes décorrélés des réalités concrètes est risqué. Actuellement, elles se construisent sur un empilement d'exigences qui exclut des industries vitales et des entreprises polluantes pourtant essentielles aux transitions soutenues par la taxonomie : c’est une vision éthérée des critères de durabilité. La construction de normes ESG par des organes nationaux ou supranationaux doit se fonder sur une vision industrielle impartiale.
Réglementer est nécessaire. Certes ce sont des contraintes pour les entreprises. Mais l'objectif est de les habituer à se positionner sur des enjeux qu'il vaut mieux anticiper que subir. La société civile l’a largement compris.
Le risque des Family offices et des CGP est d'être à la remorque de l'opinion. C'est d'être en incapacité de répondre à une exigence croissante des épargnants qui demandent qualité, transparence et cohérence dans leurs investissements. Le réseau de distribution doit se mettre à niveau sur ces sujets complexes, que leurs clients maitrisent parfois mieux qu’eux.
La pédagogie devient centrale car les conseillers financiers doivent progresser et pouvoir aborder des sujets scientifiques. Demain ils utiliseront de nouveaux outils d’aide à la vente plus pédagogiques, avec une ergonomie de présentation adaptée à ce dialogue avec leurs clients. Ainsi, leur valeur ajoutée auprès des épargnants sera entièrement justifiée. Les outils actuels ne sont pas suffisants mais nous travaillons à changer cela rapidement. La valeur ajoutée de Chloé in the Sky est d’accompagner ses partenaires à devenir capables de délivrer un conseil financier ESG qui s’affranchisse du strict périmètre normatif.