Alors que les trajectoires de transition exigent une baisse soutenue des émissions, 2024 marque un retournement notable. Les grandes banques mondiales ont accru leurs financements aux énergies fossiles de 23 % sur un an, relançant le débat sur la crédibilité des engagements climatiques du secteur financier.
Un retour en force des financements fossiles
Selon le rapport Banking on Climate Chaos, publié mi-juin par un consortium de huit ONG internationales, 869 milliards de dollars ont été alloués en 2024 aux secteurs du pétrole, du gaz et du charbon. Une progression de 140 milliards de dollars par rapport à 2023, qui efface deux années de ralentissement et ramène les volumes proches du pic de 2021.
Ces financements, majoritairement sous forme de prêts, d’obligations ou d’émissions d’actions, ont soutenu non seulement les opérations courantes mais aussi l’expansion de projets fossiles — pourtant pointée comme incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris.
Banques américaines en tête, désengagements climatiques en toile de fond
Les établissements américains dominent largement ce regain, concentrant 33 % des montants (soit 289 milliards de dollars). Parmi eux, JPMorgan Chase, Bank of America et Citigroup figurent aux premières places du classement, accompagnés de Goldman Sachs et Wells Fargo.
Ce retour en grâce des hydrocarbures s’inscrit aussi dans un contexte de reflux des alliances climat, comme la Net Zero Banking Alliance, que certaines banques américaines ont quittée sous la pression politique, redoutant des poursuites pour « collusion climatique » aux États-Unis.
Des banques françaises en progression modérée, mais marquée
Les six principales banques françaises ont elles aussi revu à la hausse leurs soutiens au secteur : 49,6 milliards de dollars de financements fossiles en 2024, contre 41,6 l’année précédente, soit une augmentation de +19,2 %. Les hausses les plus notables concernent :
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BNP Paribas (+2,9 Md€)
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BPCE (+2,8 Md€)
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Société Générale (+1,6 Md€)
Le rapport souligne également que 17,3 milliards d’euros ont été fléchés spécifiquement vers des projets d’expansion fossile par quatre grandes banques françaises, malgré leurs engagements climatiques. BPCE est pointée comme l’établissement français dont les tendances sont les plus préoccupantes — un constat que le groupe conteste fermement.
Taux d’intérêt, climat politique et signaux de rupture
Cette remontée s’explique en partie par la baisse des taux d’intérêt observée en 2024, facilitant l’endettement pour les entreprises du secteur. Mais elle reflète aussi un contexte politique et réglementaire plus clivant, notamment aux États-Unis, où la finance verte fait face à des résistances croissantes.
Ce paradoxe survient alors même que 2024 a franchi, pour la première fois, le seuil critique de 1,5 °C de réchauffement planétaire — soulignant l’écart persistant entre discours climatique et flux financiers.
À suivre : cinq dynamiques clés à surveiller
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Les banques asiatiques, canadiennes et européennes se partagent le reste des financements : 14 % pour la Chine, 12 % pour le Japon, 15 % pour le Canada.
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Deux tiers des 65 banques analysées ont augmenté leurs financements fossiles par rapport à 2023.
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Le rapport appelle à une plus grande transparence sur les financements mixtes (transition/expansion), encore peu encadrés.
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Certains investisseurs institutionnels introduisent désormais des critères d’exclusion sur les projets d’expansion fossile dans leurs appels d’offres.
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Les résolutions climatiques en assemblée générale se multiplient, témoignant d’une pression actionnariale croissante sur les grandes banques.